Funeste destinée (Privé)

Ce rêve était de ceux qu'il avait le plus apprécié jusqu'à maintenant. En train de regarder une belle blonde bien roulée, allongée contre son torse, ses cheveux lui chatouillant légèrement la gorge. Livius tendait alors la main, caressant du bout des doigts le dos de cette belle créature imaginaire ...
... et puis soudain il y avait une voix virile qui s'élevait dans son subconscient et le ramenait à la réalité.
« - Tu te réveilles cette année ou pas ? »
Livius eut à peine le temps d'ouvrir les yeux que le soleil l'aveuglait déjà. Il fit un geste pour cacher la lumière avec sa main, tournant la tête parce que la sensation n'avait rien d'agréable.
« - Qu'est-ce que vous ... Attends, t'es qui toi ? » lâcha Livius, ne reconnaissant pas ses camarades de toujours. Il finit par se redresser du tas de coussins sur lequel il s'était endormi et, les vêtements dans tous les sens, pointa l'un d'entre eux du doigt.
« - Si c'est encore pour acheter bourriquet, je vous le dis tout de suite ...
- Mais non, sombre abruti. On est là pour te transmettre une missive du Général.
- Le chef des Escadrons ? Le grand là ? Pas le petit ?
- Non, pas Königsmann. »
Un léger sourire se traça sur les lèvres de Livius. Il trouvait toujours très amusant que les gens reconnaissent Fenris juste à l’appellation "petit".
« - Bon okay, admettons. J'dois faire quoi ?
- Revenir à Idwal. Tu as assez végété ici.
- C'est vraiment le terme qu'il a employé ?
- Je reste poli.
- Ah, c'est gentil. »
Malgré qu'il ait dit cela, Livius ne trouvait pas cette sollicitude très agréable. M'enfin, il avait bien saisit le message qui se cachait forcément derrière le communiqué initial.
« - Ils ont besoin d'effectifs pour les Bronze et comme ça fait un an que j'ai pas fais l'unité ...
- ... Ils ont plus que toi à convoquer. »
Livius termina la réponse de son vis-à-vis d'un geste de la main qui se serait traduit par "hé voilà !"


Idwal, en un an, n'avait pas du tout changé. Ce grand royaume continuait de se démarquer par ses différents secteurs : certains donnaient plus envie de les visiter que d'autres. Toutefois, les personnes qui habitaient l'un ou l'autre des quartiers s'équivalaient assez. Livius avait passé les portes, salué d'autres militaires en train de garder les portes et s'était mit à marcher tranquillement dans les rues à la recherche d'un but.

C'est que personne ne lui avait vraiment expliqué la marche à suivre. Il avait seulement eu le temps de prendre ses affaires et de suivre les deux autres avant qu'il ne finisse par être tiré de là comme un criminel en cavale. Encore heureux qu'ils n'aient pas eu l'idée saugrenue de l'attacher avec des chaînes et de le traîner comme un homme à exécuter ! Livius avait déjà un projet. Il n'avait plus de maison comme il avait vendu la sienne juste avant de partir pour le campement. Alors, il espérait peut-être pouvoir convaincre sa dernière conquête de bien vouloir l'héberger quelques temps. Il s'était alors dirigé vers la maison en question et avait frappé à la porte.

« - Lettie, ça fait longtemps ... ! »
Aïe. Ça faisait mal une porte claquée au nez.
« - Laisse-moi une chance de m'expliquer au moins ... ! »
Elle ouvrit le rideau de sa fenêtre pour le dévisager d'un air méprisant. "Fous le camp", forma-t-elle avec ses lèvres, brandissant une cuillère en bois vers lui comme une menace.
Livius leva juste les paumes en reculant de quelques pas et s'en alla sans un mot de plus. Un soupir plus tard, il s'exclamait : « - N'y a-t-il donc pas de place sur cette terre pour les beaux grands hommes au coeur tendre tels que moi ? »

Il faisait presque de la peine.
Presque.

La journée semblait monotone et Duo baillait longuement bien allongé dans les coussins de sa chambre. Même s'il n'avait plus aucune raison d'être dans cette auberge, pour une raison qu'on ignore, la bonne femme qui s'en occupait avait bien voulu le garder sous son toit. Probablement que le petit voleur et séducteur qu'il était, lui rapportait assez pour être d'une âme charitable envers ce garçon. Et puis, avouons le, Duo amenait beaucoup de vie entre les murs de l'auberge et les gens travaillant ici, l'appréciait. Attentif et gentil envers tout le monde, Duo finissait toujours par mettre les autres à l'aise ou à calmer le jeu quand ça n'allait pas ... Un atout très appréciée de la vieille qui elle, gueulait plus qu'elle n'écoutait.

Pourtant ce n'était pas aujourd'hui que le natté allait mettre de la vie entre les murs de l'auberge puisqu'il semblait vouloir se prélasser dans ses coussins, s'étirant tel un félin désireux d'une sieste. La nuit dernière avait été des plus mouvementé avec sa balade nocturne afin de voir s'il ne trouverait pas des alliés. Alors ce n'était qu'aux petites heures qu'il s'était couché. Hélas, dans un tel endroit on ne dormait jamais bien une fois le soleil levé et il le comprit bien malgré lui à chaque fois que son côté nocturne prenait le dessus.

Il soupira une nouvelle fois, la tête à l'envers. Il observa son petit singe qui mangeait une banane plus loin et sursauta lorsqu'une voix s'éleva dans la cage d'escalier.
« MAXWELL, LÈVE TOI. TU M'AVAIS PROMIS DES COURSES AUJ ! BOUGE TON CUL ! »
« heeeeh ??? » Il avait promit ça ? Sérieusement ? Aucun souvenir d'une telle promesse reposait dans son esprit, mais bon, elle était la chef ici et valait surement mieux l'avoir dans sa poche qu'à dos. C'est dans un mouvement lasse que le jeune homme se redressa en faisant signe à son animal de le suivre. Le petit singe couina et sauta de la table à l'épaule de son propriétaire avant que Duo n'aille rejoindre la bonne femme.
« Aaaah, bah il était temps espèce de chat paresseux. Tu t'es regardé en plus ? »
« Maiiiis quoi encore ? Je suis bien là, je vais juste faire des courrrrrrssseeeee-uuuuhhh !! » Se plaignit le jeune homme en croisant les bras d'un air foutrement boudeur. Elle était chiante là !
« Et si tu tombais de nouveau sur ... tu sais qui ? »
Duo grimaça vivement en secouant la tête.
« HORS DE QUESTION ! » Il tourna les talons en prenant l'argent qui traînait dans une bourse brune et quitta l'auberge.
« Ce sera sans moi cette fois, et puis, moi je le rend nerveux ! » Dit-il avec un petit sourire en coin.

Au final, il se retrouvait dehors sous un soleil assez puissant pour cette journée.  Il bailla de nouveau en s'arrêtant brusquement, il recula de trois pas et pencha la tête vers l'intersection en observant une scène assez marrante. Cet homme qui venait de se prendre une porte sur le nez et un magnifique rejet de la part d'une femme.
« Duuur... » Lâcha Duo pour lui et son singe, mais n'en demeurra pas moins amusé. Il tourna la tête vers son animal et eut un petit rire en se mettant en marche vers l'homme.

« Bien sûr qu'il existe une place sur cette terre pour des beaux grands hommes au coeur tendre tel que vous, mais visiblement cette place n'est pas dans cette maison ! Triiiiste ! » Vas-y retourne le couteau dans la plaie, Maxwell. Un sourire sur le visage, il s'étira longuement en laissant retomber ses bras contre le sommet de sa tête, étudiant l'homme de haut en bas.

« T'es pas un pauvre toi, j'me trompe ? »

Bien qu'on aurait pu croire le contraire, Livius n'avait pas jeté en l'air cette réflexion pour qu'on lui réponde. Du coup, le fait qu'on lui adresse la parole l'étonna. Il se tourna lentement vers le jeune homme qui lui avait parlé et se contenta simplement d'arborer une expression des plus sérieuses. Le sujet n'entendait pas à rigoler. Il allait devoir dépenses ses maigres économies dans une de ces chambres d'auberge très coûteuses. Disons que ce n'était pas de l'autre côté du mur qu'il allait faire fortune ━ sans compter la rémunération associée à son métier qui commençait à réduire à vue d'oeil.

« - Si. Je suis très pauvre. La preuve, je n'ai pas de maison. » déclara-t-il avec un grand sérieux, à nouveau.
Plutôt détendu, maintenant que le sentiment de rejet s'était estompé, Livius se contenta de jeter un coup d'oeil au singe qui reposait sur l'épaule du jeune homme. Bien qu'il ait vu de nombreuses bêtes étonnantes au dehors, il ne se souvenait pas avoir croisé un singe en ville. « - Tu l'as trouvé où ce bestiau ? »
Il marqua une pause et, affichant un petit sourire en coin, tendit la main vers l'animal dans le but de lui caresser le sommet du crâne. « - Il fait des tours ? »

On sait jamais.
Livius avait toujours adoré les cirques et les trucs comme ça alors autant se renseigner pendant qu'il le pouvait ! Il était peut-être revenu à temps pour assister à un bon spectacle de rue ! Ça lui donnerait une excuse pour continuer de glander au lieu d'aller cogner à la porte du bâtiment militaire. Revoir le grand chef ━ pas le petit ━ ne l'excitait, d'ailleurs, pas plus que ça.

Duo observa le blond en haussant un sourcil, gardant toujours ce petit sourire en coin. Était-ce réellement vrai ? Cet homme n'avait pas l'air d'un pauvre si pauvre, mais bon. Qui était-il pour porter un jugement ? Lorsque Livius déclara ne pas avoir de maison, Duo éclata d'un rire sincère. Il s'était attendu à tout, sauf se faire dire qu'il n'avait pas de maison.
« C'est pour ça que tu harcèles cette pauvre fille ? » Demanda-t-il en se retenant toujours de rire.

Mais l'attention se posa sur son singe qui semblait apprécier les petites caresses de Liv. Heureusement, le singe était assez sociable pour ne pas être sauvage et mordre le premier venu. Duo tourna la tête vers l'animal et eut un petit sourire en coin.

« Avec Monkey, c'est une longue histoire. Je l'ai trouvé lors d'une balade près des murs. Il était tout petit, voir même bébé quand je l'ai vu par terre, alors je l'ai pris et depuis on se quitte plus. » Ouais, Duo avait de la patience pour les choses futiles comme ; prendre soins d'un bébé singe, mais n'allez pas lui mettre de la pression pour réparer un truc qui lui fou la haine, il perdra patience.

« Des tours ? Il vole et il fait diversion, c'est plutôt pas mal, non ? » Répondit-il avec un petit sourire en coin, parce que non, son singe ne faisait pas de tour, ce n'était pas un animal de cirque tssss.

« Sinon, tu cherches vraiment un endroit ou crécher ? » Quel language !

« - Je pensais que je lui manquerais ... » répondit-il quant à la raison qui l'avait poussé à retourner auprès de Laetitia. Bon, pour tout dire, il ne pensait pas vraiment qu'il lui manquerait. Leur relation n'avait pas très bien fonctionné dès le départ. Mais il fallait tenter le coup malgré tout, n'est-ce pas ?

Livius, toujours debout au beau milieu de la route, écouta le garçon à la natte lui parler de son singe et expliquer comment il l'avait trouvé. Ça lui semblait être du domaine du possible : quand les portes s'ouvraient, le Bastion se fichait pas mal que des rats ou autres bestioles pénètrent l'enceinte. Ils auraient peut-être dû se méfier, mais bon. Il s'agissait, après tout, de criminels à la tête dure. « - C'est pas mal, en effet. » rétorqua-t-il comme il semblait que ce singe avait des capacités hors norme.

« - Crécher ? » répéta-t-il en venant se pincer le menton comme s'il réfléchissait. « Disons que je vais devoir liquider mes économies dans une chambre d'auberge ... »
Il allait en dire plus, mais un homme monté à cheval était placé juste derrière eux et semblait s'impatienter. Tout ce que le blond trouva à dire en se sentant ainsi dévisagé, c'est ...

« - Quoi ? Si tu veux qu'on bouge t'as qu'à le dire. »
Le hennissement du cheval fut tout ce qu'il reçu comme réponse. Le chevalier sur son destrier les contourna en continuant son chemin la tête haute. Encore un qui se prenait pour le roi de l'escadron, sans doute.